Le P-DG de Facebook, Mark Zuckerberg, a présenté Graph Search mardi à Menlo Park, en Californie. © Jeff Chiu/AP/Sipa
Graph Search va-t-il sortir Facebook de sa torpeur ? C’est la question que se posaient tous les analystes mardi, après l’annonce par Mark Zuckerberg de cette nouvelle fonctionnalité de recherche dite « sociale », sur le campus du groupe à Menlo Park, en Californie. Le patron du réseau social a rappelé que son site est « une grande base de données sociales » : un milliard d’utilisateurs, 240 milliards de photos et 1 000 milliards de connexions entre internautes. « Comme n’importe quelle base de données, on devrait pouvoir faire des recherches dedans », a-t-il simplement affirmé. Élémentaire, mon cher Watson.
Mais tout n’est pas aussi simple. D’abord, parce que l’ensemble du Web n’est pas indexé par Facebook. Les recherches dans Graph Search ne sortiront pas du périmètre des amis de l’utilisateur. Ainsi, il sera facile de trouver les films ou les chansons consultés par ses connaissances ou de retrouver qui a posté un jour cette merveilleuse recette de fondue savoyarde. Mais pour des résultats globaux, comparables à ceux de Google par exemple, il faudra consulter une plus petite partie de l’écran, réservée à Bing, le moteur de Microsoft. Ce « partenaire depuis de nombreuses années » n’en reste pas moins un peu en retard sur la qualité de service de Google… Mais qu’importe, car cette restriction au cercle social n’est pas forcément handicapante : il existe aujourd’hui un grand nombre d’internautes qui ne vivent leur vie numérique qu’à travers Facebook. Pour eux, Internet, c’est Facebook. Alors, à quoi bon s’encombrer du reste ?
Bonne affaire pour Microsoft et Bing
Graph Search devrait être particulièrement intéressant dans le domaine de la recommandation. Si les sites spécialisés, les sites communautaires ou même les journalistes sont aujourd’hui les maîtres de la recommandation, du dernier film sorti au cinéma jusqu’au resto du quartier, en passant par la bonne voiture à acheter ou le voyage qu’il ne faut pas rater, demain risque d’être différent. Grâce à tous ceux qui racontent leur vie en détail sur Facebook et qui lui confient leurs sorties, leurs goûts et leurs coups de coeur, un utilisateur pourra en deux clics connaître l’avis de ses amis, en qui il a confiance, plutôt que de lire un article forcément subjectif, une notation peut-être truquée ou un billet de blog douteux.
Du côté de Facebook, l’enjeu est énorme. Aujourd’hui, Google est son principal concurrent dans le coeur des internautes, qui en ont tout autant besoin pour « survivre » sur le Web. Alors que le moteur de recherche peine à développer son propre réseau social Google+, Facebook pourrait bien réussir à détourner les utilisateurs de Google s’ils venaient faire leurs recherches sur Facebook (et sur Bing, par ricochet).
Facebook sait qui vous êtes et saura ce que vous voulez
En arrière-plan, c’est bien sûr d’argent qu’il s’agit : le prix de vente d’une publicité dépend non seulement du nombre de visites total, mais aussi de la quantité d’informations accumulées sur chaque internaute, qui permet d’affiner le meilleur ciblage. En mêlant votre profil Facebook avec les recherches que vous faites sur Internet, le réseau social sera tout-puissant sur le marché de la publicité en ligne : il saura non seulement qui vous êtes, mais aussi ce que vous voulez. Diabolique…
Du côté de Microsoft, l’annonce de Facebook semble être une belle opération, puisqu’elle met en avant son moteur Bing au moment où il peine toujours à grignoter des parts de marché à Google. Toutefois, après avoir magistralement raté son entrée en Bourse, Facebook n’a pas droit à l’erreur. Les investisseurs seront sans pitié avec Mark Zuckerberg, qui leur a déjà fait perdre des centaines de millions de dollars. Le réseau social au milliard d’inscrits a beau tirer son épingle du jeu sur le marché de la publicité en ligne, cela ne suffit pas.
Par Guerric Poncet
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